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Le carnet d'Intima

Dossier

Lingerie versus Bain

04 octobre 2022

Quand les marques prennent le virage de l'inclusivité

Souvent traitée par les marques de manière bien trop restreinte, l’inclusivité n’est pas qu’une question de kilos et de morphologies, mais elle englobe les différences dans toute leur globalité. Formes plus naturelles, majeurs choix de tailles dans les lignes mode, mais aussi refonte des images de communication, voyons comment tout cela est en train d’évoluer pour correspondre aux nouvelles attentes des individus. 

La vague Atlantique

Aux Etats-Unis, le combat pour le rejet de l’injonction à la minceur et l’ouverture à la diversité des corps féminins, se sont vus célébrés par de nouvelles marques à la croissance fulgurante comme Savage x Fenty by Rihanna qui, en l’espace d’un défilé, a fait choir de leur podium les « anges » pourtant si populaires de Victoria’s Secret. C’était comme si d’un coup on prenait enfin conscience que le corps si parfait des mannequins, conforme aux normes du fantasme masculin, n’était pas le reflet de la réalité et qu’il existait une pléiade de diversités de corps et d’expressions de la beauté ! Rihanna va même plus loin puisqu’elle met en scène son propre corps, comme lors de la Fashion Week de mars dernier où elle s’est affichée, très enceinte, en petite tenue. Plus récemment encore, la superstar a fait la une du Vogue US avec un ventre très rond exhibé sous une combinaison ultra sexy en dentelle rouge orangé de la tête aux pieds. Ce cliché, pris par la photographe Annie Leibovitz, a fait le buzz en étant liké par plus de 4 millions de personnes en moins de 20 heures et commenté de manière élogieuse. Preuve qu’aux Etats-Unis, l’inclusion a déjà fait son chemin et est entrée de plein fouet dans l’ère du « Body Conscious » ou « Body Con », un mouvement qui s’identifie comme une reconquête féministe poussée à l’extrême, à l’image des fesses assumées et très rebondies des filles Kardashian.


Et que dire de Skims, la « solution-brand » lancée par Kim Kardashian avec le slogan « tout pour tout le monde » qui facture déjà 3,2 milliards de dollars – eh oui vous avez bien lu ! – et qui fait son entrée aux Galeries Lafayette Haussmann. Côté maillot, Skims propose seulement quelques modèles fashion du XXS au 4XL. La marque vient d’ailleurs de lancer Adaptive, une extension de sa collection Everybody destinée aux personnes à mobilité réduite. Des fermetures invisibles et confortables – sans Velcro, zips ou magnettes - mais aussi accessibles (entre les bonnets ou sur le côté), une matière douce et extensible, 4 coloris de peau, le tout présenté par une égérie de choix : l’athlète paralympique Scout Bassett.
La marque Parade, elle aussi largement médiatisée , va jusqu’à s’affranchir de la question du genre.
Plus récemment encore, la nouvelle marque de shapewear Yitty de la chanteuse Lizzo va encore plus loin dans l’inclusivité de tailles, en revendiquant une lingerie gainante destinée à toutes les morphologies. Les modèles, allant du XS au 6XL, sont déclinés dans des couleurs vives dans une volonté de montrer les rondeurs au lieu de les cacher.
Dans le même courant, la marque Chromat propose ses maillots du XS au 4X (4 tailles supérieures au XL). Avec son #ChromatBABES sa créatrice Becca McCharen-Tan entend « redonner du pouvoir aux corps de toutes formes et de toutes tailles puisqu’il existe de nombreuses versions différentes de la beauté et que chaque corps est digne d’amour ». 

Le corps repensé

En Europe, l’influence de la 4ème vague du féminisme post Me Too et l’impulsion de la Gen Z ont fait évoluer les rapports au corps et ont contribué à faire émerger les questions d’inclusivité dans le secteur de la mode, particulièrement celui de la lingerie, secteur dans lequel certaines marques ont largement surfé sur la tendance, quitte à en faire trop et à tomber dans le « diversity washing » ou dans  « tokénisme ».

Chantelle a sûrement été la première marque de corseterie à casser les codes avec ses campagnes dès l’A/H 19 montrant des images non retouchées de femmes aux silhouettes non conventionnelles avec, en égérie, Tehya Elam. Depuis, l’imaginaire lingerie a beaucoup évolué, grâce aussi à l’impulsion des réseaux sociaux, terrain de prédilection des marques « indies » très engagées. Les bourrelets ne sont plus prescrits, ni les peaux matures d’ailleurs, comme le montre la prise de position de Darjeeling. A travers sa campagne publicitaire, mettant en scène une femme de plus de 60 ans - la célèbre Caroline Ida Ours - en pleine nature, ne portant qu’un ensemble de lingerie, la marque a crée une image qui restera publicitaire et qui ne risque pas d’exister dans le réel, puisque la lingerie ne se montre pas en public. Dans un autre registre, saluons les vidéo d’Empreinte, véritable ode aux corps féminin aux formes épanouies. Fidèle à sa nouvelle campagne autour des « Nouvelles Héroïnes » , mettant à l’honneur des femmes de tous horizons, Simone Pérèle ne se focalise plus sur leurs corps mais sur ce qu’elles accomplissent, ce qu’elles créent. Le bain suit logiquement cette approche, avec les mêmes castings que pour la lingerie. « Nous shootons différentes femmes chaque saison, l’objectif selon notre ADN est de les rendre belles et élégantes, d’obtenir de belles images quelle que soit leur morphologie, rondes ou non. Par exemple, l’an dernier nous avons photographié une femme de 50 ans afin de rappeler que nous nous inscrivons dans une démarche de « age fluid ». Mais nous ne photographions pas systématiquement, à chaque saison, tous types de morphologies, nous faisons une sélection à chaque nouvelle collection en fonction du message sur lequel nous voulons insister. Ainsi de saison en saison, toutes les femmes peuvent s’identifier et c’est particulièrement visible sur notre compte Instagram » explique Ludivine Rambaud, Responsable Communication et Image pour la marque. Sur les produits, la stratégie consiste à créer des styles très variés et à développer dans une même ligne de produits plusieurs déclinaisons de formes, avec ou sans armatures, qui sont inclusives puisqu’elles correspondent à différents types de besoins et montent pour certaines jusqu’au bonnet F et à la taille 46.
Rendre visible « l’invisibilisation » des corps plus mûrs, des corps ronds, ou aux différents tons de peau semble paradoxalement plus simple en lingerie qu’en bain. Pourtant, né il y a un siècle, entre les deux guerres, durant « les années folles », le maillot de bain, tel que nous le connaissons, a été un objet d’émancipation pour les femmes. Popularisé au début des années 40, grâce à l’avènement des premiers congés payés, il leur a permis d’enfin se mouvoir dans un corps libéré de toute entrave, de toute contrainte, de pouvoir nager, faire du sport ou tout simplement se prélasser au soleil ! Ce n’est que peu à peu, qu’il est devenu un instrument de diktat et d’objectification du corps, idéalisé dans les magazines, tantôt pulpeux, tantôt maigre, tantôt sportif avec une poitrine généreuse ou des seins menus… Selon les modes, chaque époque a vu son propre idéal de beauté imprimé sur papier glacé comme une injonction. Encore aujourd’hui, une étude récente de l’Ifop (1), nous indique « qu’alors que la plage devrait être un espace propice au dévoilement serein des corps, une femme sur deux (49%) y redoute de faire l’objet de remarques désobligeantes sur au moins une partie de son corps ».  

Au-delà du discours

Rien de très extrême en Europe donc, où, dans les pays du Sud en particulier, le rapport au corps est encore intrinsèquement lié à l’esthétisme, qui prime toujours sur le confort et le bien-être. En Italie, en Espagne et en Grèce, nombreuses sont les marques de maillots de bain ne proposant que 3 tailles. Il faut bien avouer qu’au-delà du discours, il n’est guère aisé de monter en taille, car cela implique nécessairement de revoir complètement la structure du produit, en particulier pour le top. Et, si pour la lingerie la solution bralette déstructurée et confortable a connu un vif succès dans toutes les tailles, il ne semble pas en aller de même dans le maillot… Et pourtant la tendance est bien là et les spécialistes des grandes tailles comptent bien en profiter ! Des corsetiers, bien sûrs, qui se sont tous diversifié avec succès dans le balnéaire, mais aussi les spécialistes du balnéaire grandes tailles, qui voient là une occasion inespérée de sortir de l’éternel une-pièce couvrant noir ou marine… Quel bonheur pour une jeune fille de pouvoir s’acheter un joli bikini dans les coloris mode de la saison en taille G+ !

Une opportunité pour les spécialistes du G+

Les jeunes générations assument davantage leurs rondeurs ou leurs seins volumineux et les affichent en portant des maillots sexy et colorés, aux imprimés vifs, souvent accompagnés d’une communication de marque qui valorise tous les corps comme étant les nouveaux étendards d’une beauté gaie, positive, contemporaine et surtout plurielle. Cela a comporté un vrai changement de stratégie chez les spécialistes des grandes tailles, et notamment chez PrimaDonna,  élue marque de corseterie la mieux vendue par les boutiques en France dans le cadre des Best Boutiques Brands Awards organisé par le Groupe Intima.  Carole Lambert Directrice de Style nous dit : « on remarque que les femmes plus rondes prennent confiance en elles et ne souhaitent plus se cacher derrière des maillots de grand-mère, elles choisissent donc la couleur et le fun. Dans la même logique, le style sexy ne doit pas être réservé à une petite tranche de la population et les maillots sont de plus en plus audacieux tout en gardant le confort qui est crucial pour séduire la génération des Alphas (…) ». Forts d’une expertise de plus de 150 ans et d’une méthode de test réalisés sur de vraies femmes - à partir de ses propres collaboratrices - la marque belge offre près de 70 tailles de bikinis allant jusqu’au bonnet I.
Du côté du groupe Wacoal Europe (Fantasie, Freya et Elomi), l’audace toute britannique, dont le groupe fait preuve depuis des années via des couleurs vives et des imprimés forts, s’inscrit désormais totalement dans la tendance. Chez Fantaisie, dont les tailles de bonnets vont jusqu’au J, on mise sur un rapprochement entre les femmes et la nature avec une approche de conception éco-responsable, le tout joué dans des couleurs exotiques car selon Charlotte Austin, Directrice de la création « les clientes sont excitées à l’idée de retrouver leur liberté et des aventures exotiques longtemps interdites ». Chez Freya, on décline à fond la carte de l’imprimé et de la texture en s’inspirant de la lingerie pour élargir l’offre grandes tailles vers des styles plus mode et plus audacieux. Enfin, chez Elomi, on affiche des corps plus ronds et des couleurs de peau plus variées, en ouvrant la gamme à des pièces hybrides et ludiques telles que la culotte de bain jupe. Du côté de chez Anita, on capitalise sur le style et la technologie issus du sport qui lui ont permis d’être élue marque numéro 1 dans la catégorie soutien-gorge de sport auprès des boutiques de lingerie européennes dans le cadre des Best Boutique Brand Awards 2021. La marque ne parle pas de corps au naturel, elle essaie plutôt de galber et valoriser la silhouette de manière très confortable par des techniques de shapewear et via des innovations permettant, notamment dans les collections de Rosa Faia, d’obtenir des formes plus sexy et des styles plus modernes. Enfin, chez Empreinte, on valorise le « savoir-faire d’artisan au service des femmes bonnets C et plus - jusqu’au bonnet G - qui booste la confiance en soi ». Ces dernières années, la marque se concentre sur les pièces les plus intemporelles aux découpes modernes et précises parfaitement réalisées, sculptant les courbes pour allier « allure et liberté » sans avoir forcément recours aux armatures. L’inclusivité chez Empreinte ne passe pas uniquement par la modernisation des collections et par des visuels de communication avec des corps diversifiés, mais aussi par la mise en scène de leurs « vraies » employées qui fabriquent les pièces comme le feraient des joailliers. Sous forme de petites vidéos « Paroles d’Artisanes » publiées régulièrement sur YouTube, Pauline, Isabelle ou Marlies, de parcours, d’origines et d’âges différents, présentent leur savoir-faire diversifié de corsetière au service des femmes.

L’offensive des corsetiers

Si la transition est plus facile pour ces marques historiquement orientées vers les grandes tailles et les corps différents, elle est moins évidente pour les marques de corseterie traditionnelles. Cependant, ces dernières ne pouvant faire fi de la tendance, même si elle n’est pas inscrite dans leurs gènes, ont dû s’adapter à la demande et céder à la pression particulièrement forte sur les réseaux sociaux pour une communication visant l’égalité, la « visibilisation » de tous les corps et la création de produits plus confortables, plus adaptables, imaginés pour toutes les femmes quelle que soit leur morphologie. Notons par ailleurs que ce mouvement a été renforcé et accéléré par la pandémie, qui l’a ancré encore plus profondément et a changé le rapport que les femmes ont avec leurs corps et donc leurs attentes, notamment en matière de lingerie plus versatile. Ces acteurs corsetiers historiques, français pour la plupart, ont donc « foncé » sur la tendance, car il s’agissait aussi pour eux de survie. Voyant les jeunes générations les délaisser au profit d’autres marques qui avaient mieux compris leurs attentes, ils n’avaient d’autres choix que de prendre le virage de l’inclusivité.

Ainsi, en lingerie, la marque Chantelle, précurseur en la matière, a anticipé en élargissant son offre il y a 5 ans avec Soft Stretch, sa ligne totalement inclusive en termes de style, de technologie, de communication et de sizing. Natacha Jacquier-Laforge, Directrice Artistique Style pour les marques du groupe, nous confie : « nous souhaitons décliner la gamme Soft Stretch sur le bain, car nous sommes convaincus que le concept séduira la génération des Alphas. Mais à l’heure actuelle, il est difficile d’arriver à la mettre au point car nous devons avoir une matière suffisamment flexible pour couvrir un maximum de tailles tout en restant opaque. ». En parallèle, la marque renforce sa communication avec des corps variés, voluptueux et aux différentes carnations en proposant ses gammes jusqu’au bonnet G. L’inclusivité au sein du groupe passe aussi par l’éco-responsabilité et l’objectif est qu’en 2025 tous les produits soient éco-conçus. Ainsi, dans un avenir proche, la ligne de lingerie recyclable Chantelle One, se verra déclinée pour le bain. « Le style sera épuré, minimaliste très découpé avec des bandings et des techniques inspirées du sport pour une sexiness moderne, très désirable pour les jeunes générations ».
Même démarche chez Sloggi, chez qui il était plus simple d’intégrer le mouvement puisque les premières collections bain sont sorties en 2020, et comme pour leur collection de bodywear, la marque bannit les armatures et les push-ups en travaillant le « easy-sizing » ; ici, pas d’attaches dos, pas de profondeurs de bonnets, on compte sur des matières hyper techniques, élastiques et adaptables, inspirées du sport, pour enfiler les produits comme un T-shirt. « Notre objectif est de célébrer le « no normal » et le confort en créant la « basket du maillot de bain » avec une vision athleisure, comme nous le faisons en lingerie avec Zero Feel notamment. Nous capitalisons sur une silhouette naturelle, sans artifice, loin des stéréotypes sans chercher à la corriger. Le tout dans une démarche simple en taille et en prix pour que notre produit soit accessible à toutes, y compris les grandes tailles. » nous dit Valérie Fleischer, Global Head of Product Management pour les marques Sloggi et Triumph. Chez Sloggi, l’inclusivité passe aussi par une gamme versatile qui libère les corps et les activités avec par exemple, des maillots à manches qui peuvent se porter pour nager, faire du sport ou aller boire un verre au bord d’une piscine. Côté communication, la marque reste fidèle à son ADN en jouant avec un humour décalé et sans tabou avec la diversité des corps, des peaux et des âges.
Toute autre approche chez Lise Charmel, première marque de lingerie à proposer une véritable collection de balnéaire dès la fin des années 90. « Pour nous l’inclusion n’est pas une tendance sur laquelle on surfe, puisque notre raison d’être depuis toujours est de participer à l’épanouissement personnel des femmes et de toutes les femmes - nous dit Sylvia Daumal, Directrice de Création pour le groupe et de poursuivre - : Nous n’avons pas attendu que le phénomène soit à la mode, c’est un non-évènement pour le groupe puisque nous étions un des premiers acteurs à proposer des bikinis vendus en séparables avec une grande variété de formes de culottes, afin de répondre aux différences de morphologies que peuvent avoir quasiment toutes les femmes entre le haut (jusqu’au bonnet G) et le bas de leur corps ». Soucieuse de préserver cet ADN et fidèle à son image, la marque continue à mettre tout en œuvre pour aider les femmes à se sentir bien sur la plage : « nos maillots de bain sont le prêt-à-porter de la lingerie pour un usage de plage » précise joliment Mme Daumal. Même démarche chez Antigel, la marque du groupe destinée aux jeunes femmes, qui propose des collections très vives, gaies et fantaisies, et qui rencontre un véritable succès en boutiques selon le palmarès de l’enquête annuelle d’Intima.
Chez Aubade, le PE 23 marque un vrai tournant  : « d’une image d’un corps figé, montré en close up, nous évoluons à l’expression d’un féminin vivant à l’écoute des préoccupations des femmes. "ELLE" toute entière commande la narration, corps et âme, la tête et le corps se réconcilient. 
Une marque qui retrouve sa tête, retrouve de l’esprit, de l’émotion face au monde et à celui des femmes. 
Une marque qui se remet en question, qui écoute le monde qui l’entoure et ce que les femmes lui glissent au creux de l’oreille : leurs revendications, leurs attentes, leurs fantasmes… » La marque a su évoluer dans une approche plus légère et graphique qui joue avec la structure à travers les coupes flatteuses, les lignes, les contrastes couleur et les matières, tout en s’appuyant sur son savoir-faire corsetier qui lui permet d’aller du bonnet A au H en lingerie et E pour le maillot. 

Du côté de Passionata, Natacha Jacquier-Laforge, Directrice Artistique Style pour les marques du groupe Chantelle, explique « pour l’été 2023, nous opérons un véritable virage avec des maillots très découpés, assez provocateurs qui osent les jeux de plein et vide pour une jeune femme qui assume ses formes. Le tout décliné dans des couleurs très pops, très vives avec des imprimés néo-rétro inspirés des seventies » de quoi apporter du positivisme dans le contexte un peu morose de ces dernières années. Enfin pour compléter les gammes maillots, chez Passionata, on essaie de casser les stéréotypes féminins en proposant « des formes beachwear qui s’inspirent plus du vestiaire masculin comme notre shorty en éponge coordonné à une brassière sans armature ».


Une mention spéciale va à l’italo-américaine Cosabella qui, avec son concept « Cosabella for people », s’inscrit en plein dans cette tendance sociétale, comme nous le confirme son Co-PDG Guido Campello « Depuis la création de la marque, notre histoire est faite de défis permanents : l'objectif, inciter l'industrie à trouver de nouvelles façons de s'adapter aux différentes physicalités et faire tomber les barrières à l'expression de soi liées à l'image corporelle, à l'identité sexuelle, au genre et à l'âge [...] Après 4 décennies, notre approche initialement centrée sur les femmes a évolué naturellement, au rythme d’une société en constante évolution. C'est un moment magnifique ». Aujourd’hui, Cosabella propose désormais de la lingerie qui pousse au-delà du monde exclusivement féminin et souhaite habiller toutes les personnes, quels que soient leur morphologie, leur teint, leur âge, mais aussi leur identité sexuelle. Il s’agira  désormais de trouver l’ensemble de ses lignes de sous-vêtements, lingerie de nuit et balnéaire dans une version spécifiquement conçue pour les morphologies masculines. 

Où en sont les marque de balnéaire

Les marques spécialistes du maillot de bain n’ont pas toutes suivi le courant; il suffit de parcourir les réseaux sociaux pour s’en rendre compte… Du coup, en France, les femmes considèrent encore, à 39%, que leur représentation n’est pas réaliste dans la communication, selon les résultats du premier baromètre Inclusion & Diversité réalisé par Kantar Insights et The Good Company. Un constat ressenti encore plus fortement chez les séniors. 
Cette même étude montre que les français ont beaucoup de mal à croire en la sincérité des marques dont l’inclusion n’est pas dès le départ intégrée dans leur ADN. La mémoire collective est forte car les deux marques citées spontanément en exemple d’inclusivité réussie sont les seules Dove et Benetton. Un principe confirmé par l’analyse réalisée par Kantar qui affirme que : « quelle que soit la manière dont vous choisissez d’être inclusif dans votre publicité, la chose la plus importante à retenir est d’être fidèle à ce que vous êtes aujourd’hui, et ce que vous voulez être dans le futur car l’objectif est que l’inclusion fasse sens, et non pas que ce soit juste une présence “symbolique” ». Quelques marques de lingerie célèbres en ont fait les frais.


Dans ce contexte, les acteurs du bain européens installés depuis longtemps avancent avec parcimonie en renforçant çà et là une image, un message, une raison d’être déjà construite qui fait sens, qui va dans le prolongement de leur positionnement d’origine.
Sortie première dans le palmarès BBA de marques les plus vendues par les boutiques françaises en 2021, Pain de Sucre ne rentre pas dans le débat d’images et reste très attachée à son imaginaire esthétique.  « L’inclusive n’est pas une tendance mais une exigence, lorsqu’on veut servir une clientèle qui évolue » nous dit d’une manière très pragmatique Christian Keusseyan, qui avec Bernard Evans, est aussi à la tête d’un réseau d’une trentaine de points de vente de l’enseigne. Les maillots de bain de la marque s'adressent à toutes les femmes et habillent désormais jusqu’à l’équivalent bonnet E dans certains modèles de la collection.


Même démarche chez l’allemande Maryan Mehlhorn, l’inclusivité est inscrite dans l’essence même de la marque qui, depuis toujours et sans éclaboussures, décline son style hautement désirable, de la taille 38 à 50 et jusqu’au bonnet F. Eres reste fidèle à son positionnement tout en s’ouvrant à d’autres archétypes de beauté et en intégrant des collaborations avec des designers venus d’horizons différents tel le couturier libanais Rabih Kayrouz pour la collection actuelle. 
D NU D, fait la preuve via sa communication sur Instagram tout en restant très esthétique, que ses maillots aux décolletés très plongeants, graphiques, modernes et sexy peuvent aussi se porter sur des corps plus voluptueux et des poitrines plus profondes. L’espagnole Ysabel Mora mise sur une approche positive du corps dans ses collections qui s'adressent à toute la famille.
Remarquée pour son approche militante, Mara Hoffman venue des Etats-Unis s’est fait une place au sein de l’offre européenne. Sa créatrice se revendique comme étant « une des voix les plus actives et ferventes défenseuses de la recherche de plus de justice raciale et sociale pour le bien d'une société plus équitable ». Ainsi, tout naturellement, ses modèles colorés sont réglables grâce à des nouages et des matières souples et texturées et sont régulièrement portés par des femmes rondes et de couleurs différentes. Les tailles sont bien sûr inclusives puisqu’elles montent jusqu’au triple XL. Notons aussi la poussée de la marque Artesands, appartenant au groupe australien Bond-Eye, parmi les premiers à s’inscrire clairement dans le mouvement « body positive » grâce aussi à sa collaboration avec la célèbre mannequin Robyn Lawley qui faisait déjà la une du Vogue Italie en 2011 avec Tara Lynn et Candice 

La déferlante gen Z

Si les marques déjà établies ne peuvent embrasser totalement la tendance inclusive, il en est d’autres nées sur le digital pour la plupart, qui ont compris qu’il y avait un créneau à prendre. Une prise de position, de parole donc pour ces nouvelles venues sur le marché, qui s’inscrit dans les mouvements du « body positivisme » ou « body neutrality » qui ont éclos ces dernières années sur les réseaux sociaux. Une manière de revendiquer le fait d’être bien dans son corps pour le premier, ou tout simplement ne pas focaliser sur ce corps pour le second, quelle que soit sa morphologie. Le choix de son maillot de bain, moment souvent vécu comme une épreuve, a évidemment son rôle à jouer.


Ainsi la jeune génération de créateurs l’a totalement intégré dans son business model et particulièrement dans sa communication sur les réseaux sociaux.  Pas question de capitaliser sur un savoir-faire de corsetier, mais bien sur une écoute et un langage adaptés aux jeunes générations. La plupart de ces marques n’ayant pas de points de vente physiques en propre, capitalisent sur le tout digital, ce qui leur permet d’être plus vindicatives dans leur message d’inclusion. Néanmoins, ces marques de la « nouvelle vague » ne perdent pas de vue que le marché auquel elles s’adressent reste assez conservateur. En Europe, il est capital de communiquer avec douceur et de privilégier la beauté, le glamour et de ne pas tomber dans l’excès de chairs ou d’images qui à l’inverse pourraient caricaturer la femme de la rue, la rendre laide et avoir un effet répulsif.  

Des DNVB dynamiques et imaginatives 

Grâce au digital et aux réseaux sociaux, nous assistons à une prolifération de marques nées digitales et verticalisées (Digital Natives Verical Brands) qui incarnent et interprètent le sujet de l’inclusion avec des solutions diverses et originales : de l’esprit sur-mesure avec extensions de tailles, à l’idée du maillot polyvalent ; des coloris pensés pour des tonalités de peau différentes, mais aussi un engagement militant pour des produits éco-conçus et made in France, partons ensemble pour un petit tour d’horizon…

 
Anja Paris, qui vient d’entrer au Printemps Haussmann, photographie ses maillots de bain sur leurs clientes. « Nous faisons chaque saison un « shooting morpho » pour pouvoir s’adresser à toutes sur Instagram. Nous avons sélectionné cette année une mère et sa fille, une jeune femme enceinte, une femme plus mûre et différents gabarits. Nous ne photographons jamais de mannequins, mais uniquement des femmes de la vraie vie afin d’illustrer la femme Anja sous « toutes ses coutures » » nous explique Faustine Baranowski Styliste pour la marque. Pas de corps parfaits donc chez cette jeune marque à l’aura solaire, douce et poétique qui sort ses collections éco-responsables en drops limités pour « répondre à tous types de besoins, certaines lignes correspondent mieux à des poitrines menues, d’autres à des corps plus ronds avec des formes pensées pour ne pas créer des marquages de tension, comme par exemple notre best-seller la culotte haute et toujours avec en crédo le confort afin que nos clientes se sentent bien. Nos coloris sont pensés pour matcher avec tous types de couleurs de peaux et nous écoutons beaucoup nos clientes pour être le plus juste possible dans nos réponses produits. Nous créons une vraie proximité avec elles, un vrai échange par la création de collections accessibles au plus grand nombre » ajoute Faustine.
 
Maline Bodywear, est une nouvelle marque lyonnaise et Made in France qui a pour mission de : « promouvoir une mode éthique en proposant des créations très confortables, écoresponsables et anti-UV sublimant toutes les morphologies du 34 au 48 (…) accompagnant les femmes tout au long de leurs aventures ».
 
We Are Jolies porte un nom comme un cri de ralliement et son logo parle de courbes et d’amour. Les deux fondatrices Florie et Prune ne se reconnaissant pas dans l’univers des marques existantes qui selon elles contribuent à l’hypersexualisation des femmes, choisissent en majorité des mannequins atypiques : ronds, plus âgés, de peaux claires et foncées ou des femmes enceintes. Un panel large poétiquement photographié et mis en scène sur Instagram dans un esprit de sororité bienveillante. La gamme maillots s’étend du 34 au 46 dans des matières recyclées avec une brassière qui se mixe aux 8 formes de bas dont leur best-seller le bloomer.
 
Maison Finou, quant à elle, crée et fabrique des pièces inclusives Made in Paris. La gamme de tailles est très large pour ce nouvel acteur qui couvre du 32 au 52 et du A au G. La Maison se présente comme faisant du sur-mesure puisque la quasi-totalité des formes et tailles sont réalisées à la commande. La collection s’articule autour de formes iconiques qui sont personnalisables, une autre manière d’aborder l’inclusivité par la création de son propre maillot, selon ses propres envies, goûts et sa propre personnalité.  
Muze Paris, dont l’inclusivité est au cœur de son engagement, avec son slogan « Be Your Own Muze » a pour objectif d’abolir la culpabilité de ne pas trouver sa taille en maillot. Les créatrices Romane et Sylvia travaillent des matières flexibles pouvant couvrir plusieurs morphologies. Ainsi, les 3 tailles sous les noms imagés et positifs de Divine, Céleste et Exquise, grâce à des astuces de bijoux réglables et de jeux de nouages (à la place de fermetures classiques) couvrent les corpulences du XXS au XXL. Ces mêmes réglages précieux, permettent de créer différentes formes en fonction des envies et des morphologies. Ainsi une culotte peut se transformer en tanga. Sur les réseaux, la marque s’applique à photographier un wok-culturel qui inclut métissage, différents âges et morphologies sans aucune retouche afin de « célébrer tous les corps » à la plage comme à la ville puisque le vestiaire versatile a été pensé pour être porté à différentes occasions.
 
Je ne sais quoi, la marque de l’influenceuse Louise Aubery, fait un carton ! Après avoir lancé sa lingerie, Louise s’est attelée aux maillots de bain avec le crédo « New Rule No Rule ». Une gamme simple portée par des corps de différentes corpulences et carnations, aux couleurs vitaminées avec un discours pêchu qui pousse les femmes à reprendre le contrôle de leur corps, à casser les codes, les injonctions et à être positives quelle que soit leur morphologie. Un langage qui s’adresse clairement aux jeunes générations, les encourageant à oublier le regard des autres et à se faire plaisir avant tout. Les tailles sont au nombre de 8 du XXS au XXL, et portent aussi des noms imagés pour ne pas culpabiliser les clientes.
 
Théoni Paris s’adresse elle à des femmes qui recherchent des formes plus glamour en bain en misant sur une inclusivité de bonnets profonds qui passe par un maintien irréprochable. De formation lingerie, sa fondatrice Virginie Bernard, travaille le fitting parfait, son crédo pour atteindre confort et maintien. « J’ai créé un body-maillot qui va jusqu’au 46 avec une sensation seconde peau qui s’oublie au porté et une durabilité de confort qui s’adapte selon les évolutions de la silhouette et du cycle d’une même femme ». Virginie a noté par ailleurs une très grosse demande de ses clientes pour des formes de haut qui montent très profondément en bonnets et pouvant s’associer à des formes de bas peu couvrantes en petites tailles. « Mes clientes font souvent une taille standard pour le bas avec un bonnet qui monte jusqu’au F voire plus. J’ai donc créé grâce à une matière gainante et confortable, un bandeau qui permet de répartir le poids des seins tout autour du buste et ainsi alléger la sensation de lourdeur qu’une poitrine profonde peut parfois provoquer. J’ai également une forme foulard appréciée de mes clientes car elle englobe bien avec un décolleté sexy et profond ». Théoni a pour objectif dans ses prochaines collections de monter jusqu’au 52 et de couvrir les bonnets G.
 
Lolo Paris, la marque de lingerie inclusive et innovante, a lancé son premier maillot de bain sur le même business model. « Notre constat est que les tailles actuelles ne font pas sens car elles se basent sur le postulat que les corps sont tous proportionnés de haut en bas. Or, il n'en est rien puisqu’on peut très bien avoir un corps pulpeux avec une très petite poitrine ou bien à l’inverse, avoir des seins très généreux et des fesses menues » nous explique Mélissa Perraudeau Co-fondatrice de la marque. Fortes de leur expérience sur la lingerie pour laquelle les 2 fondatrices ont développé un soutien-gorge décliné en une soixantaine de tailles (en moyenne 6 fois plus qu’une marque traditionnelle), elles lancent « selon le même mode de conception un maillot de bain une pièce en Econyl qui reprend le concept de mix & match très courant sur les 2 pièces. En mixant des tailles différentes entre le bas et le haut de buste sur notre une pièce, nous obtenons une trentaine de tailles totalement inclusives qui n’existaient pas jusqu’à présent » ajoute Mélissa. Chez Lolo Paris, pas de méthodes classiques de gradation donc, mais bien l’invention, la création de formes aux tailles hybrides non existantes sur le marché actuel. Appuyé par leur algorithme qui permet à la cliente de cibler la taille parfaite, ce maillot construit avec un élastique tout autour du dos maintient jusqu’à la taille 52 et 120G. La communication sur les réseaux est tout naturellement inclusive avec un casting de 4 femmes aux différentes morphologies. Pour PE23, la marque travaille sur un maillot de bain 2 pièces selon le même principe.
 
Leel Lingerie, supportée par RougeGorge, qui a d’abord lancé sa ligne de lingerie pour poitrines généreuses « le crush des bigs boops », vient de créer une ligne de maillots de bain composée de une-pièce et de bikinis. Séverine Dhellemmes Directrice de Marque, nous explique : « notre socle est la conception de corseterie pour répondre aux envies des femmes dans leur diversité, nous travaillons autour de la morphologie de corps réels, pas comme effet de mode mais comme la base de notre ADN, en co-créant nos collections avec notre communauté ». La marque est née du constat que « beaucoup de jeunes femmes passent par des étapes de métamorphoses rapides de leurs corps tout au cours de leur vie en fonction des cycles, des grossesses… autant de transformations souvent difficiles à vivre que nous devons supporter » ajoute Séverine. Par ailleurs, en co-créant les collections, démarche inclusive par essence, ici aussi on a observé que beaucoup de tailles ne sont pas couvertes ou bien que l’offre est inaccessible en prix pour les jeunes femmes et exclut donc ces dernières. Un clivage d’autant plus vrai pour les jeunes générations dont la poitrine est parfois extrêmement profonde sur un petit dos : « nous avons des clientes qui font par exemple du 80F. Comme toutes femmes avec un corps plus standard, ces dernières qui restent fines, ne trouvent pas un maillot de bain comme celui de leurs « copines » qui soit joli, mode, peu couvrant et sexy » nous dit Séverine. La marque mise sur des fermetures sur le devant des hauts afin de régler le produit en fonction de sa poitrine et de ses variations et souhaite monter le plus possible en taille à l’avenir. Enfin demain l’enjeu sera pour la marque de réinventer un néo-maillot de bain qui intégrera la tendance du NoBra ou Soft Bra en bannissant les armatures et fermetures inconfortables sur le corps grâce aux innovations et qui puisse offrir autant de maintien.

Nouveaux imaginaires 

Les jeunes marques essaient d’intégrer un discours inclusif plus nuancé en liant écologie, responsabilité et féminisme différent de celui promu à coup de gros budgets par des méga-stars influenceuses ou chanteuses, loin des clichés badass affichés par ces dernières. Le ton est donné par la une du Vogue Espagne avec le modèle noir Paloma Elsesser voluptueuse et belle comme une vénus photographiée par Nadine Ljewere et en maillot Cala de la Cruz. Petit tour d’horizon de nouvelles images swim :


Youswim (163k) made in UK, n’hésite pas à poster sur les réseaux des corps ronds, des femmes tatouées, menues ou non épilées, des femmes qui allaitent leur bébé, des jeunes, des plus âgées, des handicapées, des peaux claires et foncées. Un bel exemple d’inclusivité dans un esprit positif, joyeux, coloré et esthétique. Utilisant dans ses collections une matière unique côtelée et floquée et donc très flexible « Plastic Negative » issue des déchets récoltés dans la nature, la marque peut monter en taille de bonnets jusqu’au G avec des formes plus ou moins couvrantes allant jusqu’au boxers et crop-tops.  

Fantabody (33,5K) affiche dans son manifesto sa volonté de s’inscrire dans le Body Positive. Déclinée sous toutes ses formes et pour tous les corps, la pièce éco-conçue est déconstruite, découpée, reconstruite et réinventée pour toutes sortes d’occasions, d’utilisations « pour toutes les filles qui veulent s’exprimer avec un corps libre et de la personnalité ». Un concept innovant qui « embrasse la diversité et encourage la confiance en soi ». Sur Instagram les visuels de la marque italienne sont beaux, artistiques puisqu’ils sont le fruit de sa créatrice Carolina Amoretti photographe de mode. Preuve qu’on peut concilier esthétique et message inclusif !

All Sisters,(43,8K)  comme son nom l’indique, la marque espagnole joue la sororité. Les lignes très graphiques s’exposent sur les réseaux sociaux sur des corps minces mais aussi ronds, sur des peaux claires et foncées. La marque axe son discours sur un swimwear multifonctionnel et éco-conçu.

Londre (125K), propose des maillots avec une raison d’être bien à elle pour « apporter des changements pour les femmes et l’environnement ». Un discours plus modéré qui n’oublie pas que le secteur doit faire rêver et projeter une image positive avec des images agréables à regarder.

Lonely (344K)  en est une autre qui met en scène ses femmes aux corps et aux origines variés dans une nature luxuriante pour sensibiliser à un well-being qui connecte le féminin sous toutes ses formes à l’écologie.

Moloco Swim, elle, cible les femmes enceintes, un pari audacieux pour cette marque qui se lance sur le marché américain dont la culture n’est pas ou peu ouverte à l’allaitement dans l’espace public.

Saint Somedody créée en 2018 en Australie, assume son inclusivité « généreuse » en se positionnant sur une offre qui habille les femmes à partir de la corpulence moyenne c’est-à-dire le 40 et jusqu’au 52. Les maillots sont conçus durablement dans cette « entreprise pour le bien » très attachée à une fabrication responsable incluant les femmes en difficulté avec son programme « buy one, give one ».   D’autres marques créées par des femmes noires font de plus en plus parler d’elles. Fondées par des entrepreneures issues de minorités qui cherchent à s’intégrer dans une société qui n’est pas toujours ouverte à leur vision, leur ADN est essentiellement inclusif et féministe. 
Citons BFyne (497K) (à prononcer Be-fine) lancée par l’ambitieuse Buki Adé poussée par l’envie de montrer au monde ce que les designers d’origine africaine peuvent réaliser avec l’inclusion de la diversité et la mixité culturelle.

Au Canada également Andrea Lyamah originaire du Niger a créé sa marque éponyme s’inspirant des cultures ethniques et des éléments de la nature, la terre vue comme une matrice, tout comme les femmes. Les collections d’Andrea sont puissantes mais toujours très esthétiques. Elle maîtrise l’art de valoriser, de sublimer les corps voluptueux des femmes d’origine africaine avec des modèles qui relèvent toute leur sensualité.
Ainsi, la définition du beau est de moins en moins dictée par la société, mais par l’individu lui-même puisque les nouveaux outils digitaux permettent à chacun de s’exprimer librement. Elle devient plurielle et si les apparences évoluent, s’ouvrent à plus de diversité, la recherche de beauté demeure dans un secteur où il est primordial d’apporter du rêve pour toutes. Comme le dit Robin Givhan, américaine et journaliste de mode : « les canons de la beauté ont évolué plus vite ces dix dernières années qu’au cours des cent précédentes. Les changements se sont produits à une vitesse folle là où les révolutions avancent généralement à tous petits pas (…) De nos jours il ne s’agit plus de se conformer et de s’intégrer, mais de montrer ce que l’on est à travers son apparence ».

Le maillot se fait gender fluid

On le voit, le maillot sort dans la rue, l’an dernier le magazine Times a publié un reportage post-Covid sur les filles se promenant quasi-nues en maillot de bain dans les rues de New-York et s’interrogeait en ces mots : « brassières dans les parcs, boxers sur la Cinquième Avenue : est-ce le point final logique de distinctions de plus en plus floues entre public et privé ? ». Un phénomène qui en est aux prémices et qui est une opportunité pour les marques d’aller au-delà de la première fonction de cette pièce utilisée pour se baigner ou bronzer que l’on revêt uniquement sur la plage ou à la piscine, pour passer au statut de vêtement du dessus à part entière comme un T-shirt ou un short. Sa fonction s’étend donc, il doit pouvoir être porté dans la rue, pour aller boire un verre, être versatile pour se promener, faire du shopping, du running, du yoga ou être porté dans une salle de sport par exemple. L’enjeu dans le futur, sera donc de s’adapter à toutes les morphologies et de répondre à toutes les nouvelles fonctions qu’on lui confère puisque la gen Z brise les frontières entre les activités, les moments, les lieux de portés mais pas que…


En effet, dans cette logique de faire tomber les murs, de très jeunes marques vont encore plus loin en s’affranchissant totalement du genre. Portées par les tendances du « no gender », « neutral », « fluid » ou « less », leur démarche autour d’une réflexion non-binaire, s’exprime sur les réseaux sociaux afin de proposer une toute nouvelle vision qui ne fait pas que naviguer sur une mode mais qui répond à une demande bien réelle peu couverte par l’offre aujourd’hui.
Ainsi, la marque Beefcake Swimwear, créée aux Etats-Unis décline une combinaison-shorty éco-responsable dans un style très rétro qui rappelle les premières pièces de bain de mer. Bien sûr, le produit peut être porté par des femmes comme par des hommes, mais surtout il permet aux femmes qui refusent de porter l’offre classique qu’elles jugent trop genrée, trop sexy ou trop féminine pour des raisons de goût ou de morphologie, de trouver un maillot qui ne les enferme pas dans leur genre et ne les réduit donc pas à leur corps. Une nouvelle façon d’aborder la liberté qu’elle soit physique ou mentale en sortant de sa case « cisgenre » qui voudrait qu’on se conforme à des codes et à un dressing précis dictés par la société. Ce type de produit séduit et fait écho auprès de la communauté LGBTQ+ mais selon sa fondatrice Mel, sa clientèle est plus « vaste comme la gamme d’expression de genres, d’âges et de tous types de corps l’est dans le monde ».
TomboyX est une autre marque certifiée B-Corp (société répondant à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public) qui suit le même courant, fondée par deux queers pour lutter contre « l’invisibilisation » de leur communauté dans l’offre mode. Leur mot d’ordre est « la promotion de l’acceptation de soi grâce à un confort radical et à l’inclusivité ». Pour pousser sa raison d’être, la marque revendique une équipe composée à 30% de LGBTQ+, à 77% de femmes et à 35% de BIPOC (Black, Indigenous and People Of Color). Ici, l’offre se compose de brassières, crop-tops zippés, débardeurs, T-shirts et même de chemisettes pour le bain à mixer avec shorts, boxers, hipsters, shorties et de une-pièce combinaisons à jambes avec ou sans manches. Une offre très colorée qui puise son inspiration dans le dressing sportif.
Outplay, s’appuie sur les mêmes codes sportifs pour créer un lifestyle « gender neutral activewear » avec des pièces shorties et cyclistes coordonnées à des débardeurs et T-shirts anti-UV. Le crédo de cette jeune marque : « vous aider à vous sentir et à ressembler à vous-même et non à ce que la société dit que vous devriez ressembler ».
Enfin, Rebirth Garments a pour « mission de créer des vêtements et des accessoires non conformes au genre pour les personnes de tous genres ». La marque pousse encore plus loin le discours en s’installant dans une hyper niche selon la tendance « Radical Visibility », « un mouvement basé sur la revendication de son corps grâce à l’utilisation de couleurs vives, de tissus exubérants et de designs innovants, mettant en évidence les parties des corps que la société évite généralement ».


Puisant leurs inspirations du sport actif ou bien du vestiaire masculin, on remarquera que ces marques font le même exercice qu’ont réalisé avant elles des génies comme Coco Chanel ou Yves Saint-Laurent. Créer un nouveau vestiaire pour le bain en adaptant des pièces à l’origine réservées aux hommes pour tous les genres, sera sans doute comme en prêt-à-porter un vecteur pour que les maillots de bain redeviennent un objet d’émancipation pour tous.  
Le maillot s’affranchit donc de tous les codes alors qu’hier c’était un outil pour atteindre l’objectif de la beauté uniformisée et dictée par la société. Aujourd’hui, il y a une ouverture aux corps pluriels, à la multifonction et aux non stéréotypes des genres. Des créateurs comme Casey Cadwallader pour Mugler l’ont bien compris et parlent volontiers de vêtements qui doivent s’adapter à différents types de corps, d’activités et de genres et non l’inverse, pour que tout le monde puisse en profiter. Idem chez Courrèges, comme le dit Nicolas di Felice « la mode ne se limite plus aux stéréotypes. C’est peut-être une réaction à la société patriarcale ». Bodies, leggings, combinaisons, cyclistes en maille très adaptable aux différentes morphologies ont été beaucoup vus lors des dernières Fashion Weeks car spectaculaires, audacieux, non genrés et en même temps couvrants le corps et donc rassurants et inclusifs. De quoi inspirer les marques de maillots de bains et leur imaginer un nouvel avenir, de nouvelles fonctions telle une carapace féministe protectrice.

Vers la fin de l’impossible

Il est intéressant de constater qu’un siècle après l’invention du maillot de bain, nous nous trouvons dans une époque charnière qui fait sa propre révolution féministe après celle entamée par les artistes « Pionnières » des « années folles ». Ces dernières font l’objet d’une exposition au Musée du Luxembourg qui trouve écho à notre modernité et qui les met en lumière via leurs productions artistiques très avant-gardistes. A l’époque déjà elles revendiquaient et œuvraient pour la diffusion dans le monde d’une image du féminin différente en Art avec plus d’inclusion, une vision ouverte de la sexualité, la non sexualisation systématique du féminin, un réalisme reflet des vrais corps et des activités des femmes et vu sous l’œil de ces dernières et non par le prisme masculin. Force est de constater que cent ans après nous assistons à la même transformation du message publicitaire, des photos de communication des marques de maillots de bain principalement via les réseaux sociaux et que cette mutation est en majorité menée également par des femmes.


Et si l’on en croit les nouvelles tendances, dans un avenir proche il faudra aussi intégrer une vie virtuelle dans le métavers. Cette dernière ne sera pas sans incidence sur nos vies réelles et la perception que nous avons de nos corps s’en verra certainement bouleversée. Les marques devront donc réfléchir à leur approche produit et leur communication, trouver un équilibre entre réel et virtuel, travailler l’expression de SOI car finalement il y aura plusieurs MOI, plusieurs beautés et versions du MOI, un MOI au pluriel.  

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