Le carnet d'Intima
Traverser des paysages sauvages, embarquer pour une croisière de rêve ou flâner dans les rues d'une métropole vibrante, une garde-robe adaptée fait partie de l'expérience. Partons pour un périple à travers le temps suivant l'évolution de cette catégorie de vêtements qui représente aujourd’hui un marché en plein essor.
Du manteau de laine des explorateurs médiévaux à la brassière technique sans couture de l’influenceuse en escale à Tokyo, les habits de voyage ont toujours été un miroir de leur époque. Plus qu'une simple tendance, le “travelwear” est devenu une catégorie à part entière de l'industrie de la mode, au croisement du confort, de la fonctionnalité, du style et de l'identité. Ce segment, qui explose aujourd'hui sous l'impulsion du tourisme expérientiel, des croisières de luxe et de la mobilité hybride, puise ses racines dans plusieurs siècles d'évolution vestimentaire.
Des habits de protection
Aux origines, le voyage n’avait rien de distrayant. Dès le Moyen Âge, les marchands, pèlerins et messagers de cour parcourent de longues distances à pied, à cheval ou en carrioles. Leur tenue est conçue pour durer : tuniques en laine épaisse, chemises en lin grossier et chausses lacées. On porte aussi des braies, sorte de sous-vêtement long noué à la taille, généralement en lin. La couche protectrice - la cape ou le manteau - est doublée, imperméabilisée avec de la cire ou de l’huile. Le voyage est rude, l’habit est une armure contre les éléments
19ème siècle
Étiquette et sophistication
Au 19ème, avec l'avènement du chemin de fer et des paquebots, le voyage devient plus accessible et plus codifié. En Angleterre victorienne, les manuels de savoir-vivre dictent des tenues spécifiques pour les trajets : robes sobres, manteaux ajustés, gants, chapeaux épinglés. Les sous-vêtements féminins restent contraignants : corsets à baleines, combinaisons en coton à boutons, jupons superposés. À bord des paquebots transatlantiques comme le Lusitania, le Queen Mary ou le Titanic, on se change pour chaque occasion : promenade sur le pont, thé, dîner. C’est d’ailleurs en 1937 que le jeune Louis Vuitton, alors âgé de 16 ans, fonde son entreprise de bagages en toile imperméable. Aux États-Unis, les premiers guides dédiés aux dames en voyage prodiguent conseils pratiques et codes stylistiques. En 1870, à New York, "The Art of Dressing Well. A Complete Guide to Economy, Style and Propriety" fournit des conseils détaillés - et parfois cocasses pour le lecteur contemporain - sur la façon de s'habiller en voyage, de faire ses valises ou de se coiffer. "La tenue d'une dame est rarement autant jugée que lorsqu'elle voyage, et il n'existe pas d'indicateur plus sûr de son bon goût que son habit de voyage", écrivait-on, mais aussi : « Des poignets et un col en lin simple, fermés par une broche discrète, des bottines en cuir et des gants solides sont du meilleur goût. Le chapeau, plus pratique qu'une coiffe, devrait être en paille en été, en feutre l'hiver, sobrement ornementé. "Et encore “ « Lorsqu’un voyage doit être fort long, notamment en hiver, il sera bien plus avisé de choisir des bas, des corsets de toile et des jupons de couleur, lesquels se révéleront infiniment plus pratiques que les blancs, surtout si nul arrêt n’est prévu pour la lessive. »
À la toute fin du XIXe siècle et au début du XXe, les automobiles faisaient leur apparition, principalement utilisées par les plus aisés pour le loisir ou de courts trajets. Si les distances restaient modestes, ces escapades avaient déjà leur propre style et leur code vestimentaire. Les véhicules étant découverts, conducteurs et passagers portaient gants, chapeaux, longs manteaux en lin et lunettes de protection. Les femmes ajoutaient des voiles à leurs chapeaux pour se préserver du soleil, du vent et de la poussière. Les grandes destinations prisées étaient alors les stations thermales européennes comme Baden-Baden ou Bath, et les croisières méditerranéennes en Égypte et en Italie.
BAGAGES : Malles en bois ou cuir, boîtes à chapeaux.
“le marché mondial du travelwear devrait atteindre 17,5 milliards de dollars d’ici 2030” Allied Market Research
Années 20
Élégance fonctionnelle
Mais, la véritable révolution de style arrive dans les années 20, avec Gabrielle Chanel et sa Petite Robe Noire, Elsa Schiapparelli, Jeanne Lanvin, Madeleine Vionnet…. Le look “garçonne” s’impose avec ses silhouettes élancées, son emblématique coupe au carré et ses pantalons ! Les femmes découvrent le sport en plein air et les tenues sportives mixtes font leur apparition – bien que très formelles selon les standards actuels, elles marquent une avancée grâce à l’introduction du jersey Milano, dont la souplesse amorce une libération des silhouettes. Dans le même temps, une autre révolution s’amorce du côté des textiles : l’arrivée des fibres synthétiques. Rayon, viscose et nylon se popularisent dans les années 1930, les industriels ayant vite compris leur utilité dans un mode de vie tourné vers le “mouvement”. Autre avancée majeure : les boutons-pression, et la fermeture éclair, qui remplacent lacets et boutons, simplifient l’habillage et ouvrent la voie à de nouvelles possibilités de création. Les femmes troquent le corset pour des soutiens-gorge en coton souple, adoptent des robes-chemises et des ensembles en crêpe de Chine. Les hommes, eux, allègent leur vestiaire avec des complets en lin et des chemises col ouvert. Le pyjama de plage, importé d’Orient, devient une pièce mode. Les matières sont plus respirantes : lin lavé, soie froissée, jersey. Le chic réside dans la fluidité. Puis, les années 30 ancrent de nouvelles habitudes avec l’essor des congés payés et donc de nouveaux besoins pour se déplacer et s’habiller sur son lieu de villégiature. Depuis cette décennie et après-guerre, vacances et loisirs ne feront que se développer et se populariser.
BAGAGES Valises rigides, sacoches, malles à compartiments.
Années 50 - 60
Le style Jet Set
Dans les années 1950, voyager en avion est un privilège, et cela se voit : les passagers sont habillés avec une élégance millimétrée. Robes cintrées, tailleurs pastel, escarpins vernis et gants blancs pour les femmes ; costumes sombres, chapeaux feutrés et valises assorties pour les hommes. L’allure est impeccable, jusque dans les cabines pressurisées des premiers long-courriers. La lingerie se fait gainante : guêpes, soutiens-gorge à armature, culottes taille haute. On parle déjà de "linge de voyage" avec des matériaux qui sèchent vite et se froissent peu. Cette époque voit aussi la naissance du collant - bas à deux jambes - qui apporte aux femmes une nouvelle émancipation qui participe de leur liberté de mouvement et est donc propice aux déplacements et aux voyages. Les années 60 prolongent cette sophistication, mais introduisent une touche de modernité inspirée du style « Jet Age » : silhouettes plus épurées, tailleurs en jersey, ensembles coordonnés pour les femmes, chaussures souples et valises plus légères. Avec l’essor du tourisme balnéaire et des croisières de la Jet Society, l’élégance voyageuse se modernise. Paris, New York, la Côte d'Azur et Biarritz figurent parmi les destinations les plus en vogue. Les grands couturiers participent à cette élégance, ainsi le personnel naviguant des compagnies aériennes comme Air France, se voit tour à tour habillé par les maisons Georgette Renal et Georgette de Trèze puis par Marc Bohan chez Christian Dior, Cristóbal Balanciaga ou Pierre Cardin. Et c’est grâce à André Courrèges que les hôtesses de l’air de la compagnie ont pu enfin porter un pantalon, tenue plus adaptée pour leur confort dans leur fonction. En parallèle la popularisation de la mini-jupe, libère les gambettes féminines, et permet aux femmes de visiter le monde à grandes enjambées !
BAGAGES : Valises assorties, vanity cases, sacs à main rigides.
Années 70
Décontraction et liberté
Avec les années 70, la décontraction s’impose, les pantalons « patte d’eph », les tuniques bohèmes, les chemises en coton brodé et les kimonos colorés deviennent incontournables dans les aéroports comme dans les gares. Le resortwear émerge en filigrane, avec ses caftans, robes imprimées, ensembles en coton léger et accessoires artisanaux, parfaits pour les escapades balnéaires et les croisières. Les maillots de bain, inspirés du style hippie chic, se parent de motifs psychédéliques, de crochet et de coupes plus libres. C’est aussi la décennie de l’émancipation corporelle : le mouvement "no bra" gagne du terrain, les brassières sont abandonnées au profit de blouses fluides ou de tops sans soutien, symboles d’une nouvelle liberté d’expression. Le topless devient tendance sur les plages européennes, notamment en France, en Espagne et en Italie, bouleversant les codes du beachwear et impulsant une esthétique plus naturelle, sensuelle et affranchie. Le voyage, libéré de ses contraintes de formalité, devient une expérience hédoniste, où l'individu affiche ses idéaux de liberté jusque dans sa manière de s'habiller. L’ailleurs est fantasmé et les inspirations exotiques ou orientalistes influencent des silhouettes vaporeuses et fluides propices au lâcher prise. Les destinations ensoleillées comme Ibiza, Saint-Tropez ou Bali deviennent les nouveaux temples du style bohème, où le sarong, les sandales en cuir tressé, les lunettes oversize et les sacs en macramé constituent l’équipement standard du voyageur stylé qui n’hésite plus à puiser aussi dans les savoir-faire locaux pour réinventer son « look d’explorateur ». Dans les années 70, c’est la fin de la rigueur. Le style bohème s’impose : tuniques, pantalons pattes d’eph, chemises fluides, robes longues en coton indien et caftans ramenés de destinations exotiques. Les sous-vêtements deviennent plus libres : soutien-gorge sans armature, culottes échancrées. C’est aussi le début du resortwear moderne : caftans, kimonos brodés, spartiates en cuir. Le voyage se vit, le vêtement qui l’accompagne est une expérience, il n’est plus à montrer.
BAGAGES: Sacs en toile, besaces, sacs de sport.
Années 80
Génération stretch
Après des seventies fluides, les années 1980 opèrent un virage au plus près du corps. Elles voient l’usage du filament élasthanne avec le label Lycra, s’élargir en s’infiltrant peu à peu dans tous les vêtements pour amener de la flexibilité au quotidien. Ce n’est plus le corps qui s’adapte au vêtement mais l’inverse. On gagne en confort, en extensibilité notamment dans les sous-vêtements qui suivent les courbes du corps et permettent de se sentir moins contraint dans le mouvement. Grace Jones s’habille d’un fuseau stretch coloré de la tête aux pieds et sur la plage les maillots de bains flashy et sexy sèchent plus vite. Parmi les pièces cultes des eighties, on trouve le caleçon long, ancêtre des leggings, multifonctionnel, il s’adapte à tous les déplacements. Le sweatshirt en coton brandés, version du pull-over plus confort, offre au jeune génération une souplesse qu’elle adopte immédiatement pour les voyages. Les déplacements se font à grande vitesse et les marques recherchent des nouvelles fonctions autour de la mobilité, ainsi on voit l’invention du walkman et l’apogée du K-Way. Enfin, les premières doudounes font leur apparition, manteau indispensable pour voyager l’hiver, bien qu’elles soient encore peu compactes.
BAGAGES: Sacs à dos, les sacs banane, les sacs à main oversize « fourre-tout »
Années 1990 - 2000
Le confort chic
Dans les années 1990, les vêtements de sport commencent à se frayer un chemin dans le vestiaire du quotidien. Les survêtements en velours, les sneakers portées hors des terrains et les premiers leggings urbains s’installent doucement, sous l’impulsion de marques comme Nike, Fila ou Reebok. Dans les années 2000, des célébrités comme Paris Hilton ou Beyoncé popularisent le jogging glamour, notamment avec Juicy Couture. Mais c’est au début des années 2010 que le phénomène explose réellement : des marques comme Lululemon ou Adidas by Stella McCartney érigent le style en mode de vie. L’athleisure devient alors l’uniforme d’une génération mobile, active et connectée, en quête de pièces à la fois techniques et esthétiques. Une silhouette hybride, parfaite pour le voyage, qui mêle performance et décontraction sans jamais sacrifier le style.
BAGAGES : Sacs à roulettes, bagages en nylon, coques moulées.
Aujourd’hui
Polyvalence et durabilité
Depuis 2020, l’hybridation domine. Le travelwear d’aujourd’hui synthétise style et fonctionnalité. Les textiles innovants, les vêtements multifonctionnels et les accessoires intelligents ont profondément transformé notre manière de nous habiller. Des matières infroissables aux tissus thermorégulateurs, la garde-robe moderne du voyageur est pensée pour suivre le rythme des globe-trotteurs contemporains.
Bagages modulables, valises légères, formats cabine optimisé.
Les mots-clés du vestiaire nomade
Faire sa valise relève souvent d’un délicat équilibre entre style, confort et praticité. L’essentiel est de miser sur des pièces polyvalentes, légères et pensées pour bouger - sans compromettre le style. Une garde-robe de voyage bien pensée conjugue élégance maîtrisée et liberté de mouvement.
Matières smart
Le choix des matières et primordial : des tissus respirants, qui évacuent l’humidité et sèchent rapidement, légères, pour minimiser l’encombrement, infroissables, toujours impeccables et sans besoin de repassage. En général, les textiles techniques à base de fibres synthétiques comme le polyester ou le polyamide offrent une durabilité remarquable sans sacrifier le confort. C’est le cas des tissus indémaillables Sensitive Fabrics by Eurojersey, reconnus pour leurs performances et adoptés dans de nombreuses capsules travelwear. A l’origine du « 24wear », la maison italienne a mis au point une vaste gamme des matières à haute performance conçues pour répondre à tous les besoins d’un vestiaire polyvalent alliant confort et style, tout en intégrant l’ensemble des caractéristiques techniques essentielles au bien aller au quotidien comme en voyage.
Autre acteur majeur, le spécialiste italien Brugnoli enrichit sa gamme lifestyle avec des tissus adaptés au contemporary-wear, allant des chemises infroissables aux pantalons "Life-Proof", incluant des innovations comme le coton technique associé au Lycra Adaptiv ou encore son denim en maille circulaire "JeansAttitude". Par ailleurs, la laine technique, notamment la laine mérinos, occupe une place centrale dans les projets de Brugnoli comme d’Eurojersey. Les collaborations d’Eurojersey dans des projets tels que Travel Wooling (2019) ou Techblend (2024) ont fait école dans ce domaine.
Pour le resortwear et, davantage encore pour le balnéaire, les tissus synthétiques restent privilégiés pour leur capacité à sublimer couleurs et imprimés, tout en offrant fluidité et résistance aux plis. Des fabricants comme Borgini Jersey ou Maglificio Ripa proposent des bases idéales, ce dernier voyant son best-seller Light Bloom, initialement conçu pour la lingerie et le maillot de bain, décliné en robes, pantalons et polos.
Les développements inspirés de l’activewear donnent le ton : respirabilité, gestion de l’humidité, maintien et brillance des couleurs sont au cœur des dernières innovations. Des fabricants comme Penn proposent des textiles à zones de compression différenciées, idéales pour une garde-robe hybride et performante. Même les tissus éponge reviennent sur le devant de la scène, à l’image du modèle Venice de Boselli, parfait pour passer du pont-piscine au spa, désormais proposé en fils recyclés et coloris tendance.Les fibres naturelles, comme le lin et la soie, conservent leur attrait pour les climats chauds, bien que leur tendance à se froisser favorise les mélanges, comme chez Tessitura Taiana, par exemple, qui développe des solutions soie-viscose, soie-lin, soie-coton, au tombé fluide et aux rayures sophistiquées.Enfin, pour ceux qui souhaitent une touche de sensualité, les dentelles et macramés façon sortie de plage chic ont toujours la cote. Des maisons comme Iluna Group, Tessitura Colombo, Chanty ou Dresdner Spitzner en font de véritables objets de désir textile.
Superpositions
Pour affronter les changements de climat et l’imprévisibilité des conditions météo, la superposition reste une stratégie incontournable. Une doudoune ultralégère et compressible ou une veste coupe-vent technique se glisse facilement dans un sac et offre une protection thermique précieuse. Un cardigan fin ou un hoodie en coton bio, dans une teinte neutre, permet de compléter à merveille une robe chemise ou un maillot porté en body pour une transition élégante du bord de mer au centre-ville, voir en soirée. Dans une approche plus technique, certaines marques intègrent désormais des tissus dotés de protection RFID dans les vestes ou les foulards de voyage, renforçant la sécurité face aux risques de piratage électronique. Côté innovation, les vêtements dits “climate-adaptive”, qui s’ajustent automatiquement aux variations de température, deviennent des alliés de choix dans les collections resortwear nouvelle génération.
La superposition fonctionne aussi sur les dessous : des brassières sans couture, des bodys sculptants invisibles sous les robes fluides, ou des culottes thermorégulatrices garantissent confort et maintien sans compromis esthétique, sans oublier les maillots et les dessous menstruels, véritable joker des globetrotteuse contemporaines ou les nouveaux sous-vêtements fonctionnels pour assurer une meilleure mobilité comme les boxers anti-frottement de cuisses ou bien les leggings dotés de points d’acuponctures qui favorisent la circulation durant la marche. Associer un caftan léger à une lingerie technique ou juxtaposer une chemise en lin sur un maillot une-pièce structurant permet d’inventer des silhouettes polyvalentes et sophistiquées. Une approche essentielle pour séduire le consommateur en mouvement.
Polyvalence
Chaque vêtement glissé dans la valise devrait avoir plus d’une fonction. Un blazer classique en tissu stretch peut rehausser une tenue décontractée tout en offrant un confort optimal. Un pantalon convertible, qui se transforme en short par un simple zip, s’avère idéal pour les aventures en extérieur. Un joli pantalon de jogging bien coupé, peut servir aussi bien pour une journée de visite que pour un dîner informel. Et que dire de ces ensembles loungewear tunique pantalon en satin de coton ou ces sublimes vestes kimono imprimées à porter au saut du lit comme en soirée ? Et puis toutes ces tuniques en lin léger à porter en version fluide - avec des tongs - ou accessoirisées - avec ceinture, collier et sandales - permettant de passer du transat au dîner en terrasse sans faux pas. Les robes multi-usages et les combinaisons fluides gagnent en popularité : faciles à superposer, elles assurent une silhouette soignée et détendue en toutes circonstances. De nombreuses marques proposent aussi des pièces réversibles : vestes à double face, maillots de bain deux-en-un, parfaits pour varier les looks sans surcharger les bagages.
Éco-responsabilité
L’éco-responsabilité s’impose comme un levier majeur dans l’industrie du travelwear. Selon une étude menée par GlobalData, plus de 60 % des voyageurs prennent en compte l’aspect écoresponsable des matières lorsqu’ils achètent des vêtements de voyage. De nombreuses marques réagissent en intégrant à leurs collections des tissus réalisés à base de matières recyclées, biodégradables ou renouvelables. Dans l’univers du swimwear, historiquement dominé par les fibres synthétiques, la transition s’accélère grâce notamment à l’arrivée sur le marché de nouvelles qualités de fibres techniques comme par exemple la famille Eco-Made de The Lycra Company. Le resortwear accueille aussi des matières naturelles tel le chanvre, le coton bio le lin, qui connaissent un véritable regain d’intérêt. Enfin, les fibres artificielles telles que le Tencel, le Modal, le bambou ou le Seacell séduisent par leur douceur, leur légèreté et leurs propriétés antimicrobiennes naturelles, s’imposant dans les collections des marques de luxe dédiées au voyage.
“70 % des voyageurs recherchent des textiles infroissables et qui évacuent l’humidité” McKinsey & Co.
Le boom des croisières
Longtemps réservées à une élite, les croisières connaissent un véritable regain d’intérêt après le coup d’arrêt imposé par la pandémie — une bonne nouvelle pour les segments travelwear et resortwear. D’après l’Association Internationale des Compagnies de Croisière (CLIA), le secteur devrait dépasser en 2025 ses niveaux de fréquentation d’avant-crise, atteignant potentiellement les 36 millions de passagers. Côté chiffre d’affaires, le marché mondial de la croisière est estimé en croissance de 9,29 %, avec une valorisation projetée à 35,87 milliards de dollars d’ici 2027. Les États-Unis devraient rester en tête avec un revenu estimé à 18,36 milliards.
Autre fait marquant : le profil des croisiéristes évolue. Si les Baby-Boomers dominaient historiquement le marché, Millennials et Génération Z représentent désormais 36 % des voyageurs. Cette évolution s’explique par une capacité de dépense accrue et une offre repensée, plus adaptée à leurs goûts. Selon CLIA, 73 % des Millennials et des voyageurs de la Génération X envisagent positivement des vacances en croisière. Le segment attire aussi un nombre croissant de primo-croisiéristes : Carnival Cruise Line annonce une hausse de 30 % des réservations « first-timers » pour 2025 par rapport à l’année précédente.
Ce retour en force élargit le champ des possibles pour les marques positionnées sur la mode balnéaire et le travelwear haut de gamme.
Big is beautiful
Portées par une dynamique très positive, les compagnies de croisière repensent en profondeur leur offre pour séduire une clientèle toujours plus large. Illustration emblématique : le Icon of the Seas de Royal Caribbean, le plus grand paquebot jamais construit à ce jour, affiche un tonnage brut de 248 336 tonnes, une longueur de près de 365 mètres et une capacité de 7 600 passagers. De son côté, Norwegian Cruise Line a passé en avril 2024 la plus importante commande de son histoire avec huit nouveaux navires prévus entre 2026 et 2036 pour faire face à la demande croissante.
L’investissement ne s’arrête pas aux navires : les expériences terrestres prennent aussi de l’ampleur. Royal Caribbean a développé Perfect Day at CocoCay, une île privée aux Bahamas réservée à ses passagers, combinant activités sportives, détente premium et services haut de gamme. Carnival Cruise Line s’apprête également à lancer en 2025 une nouvelle destination exclusive sur Grand Bahama : Celebration Key, un concept balnéaire divisé en cinq zones thématiques, chacune dotée de prestations spécifiques.
Le style croisière
Le croisiériste moderne doit composer une garde-robe hybride, mêlant resortwear décontracté, tenues confortables pour les escales et looks plus habillés pour les dîners à bord. Les essentiels du travelwear en croisière ? Des robes légères et aérées, des maillots anti-UV, des chemises en lin respirantes - le tout pensé pour s’adapter aux rythmes et exigences d’un voyage en mer.
De plus en plus de pièces techniques intègrent aujourd’hui des propriétés de protection solaire (indice UPF 50+), de séchage rapide ou d’anti-frottement, idéales pour les longues journées sur le pont ou les excursions tropicales. L’espace réduit dans les cabines impose de miser sur des vêtements compressibles, infroissables et faciles à transformer du jour au soir. Certaines marques vont même jusqu’à proposer des tenues intelligemment modulables, capables de couvrir tous les moments du séjour avec élégance.
Tendance forte du moment : les boutiques à bord qui se spécialisent dans une mode pensée pour le voyage. Ces enseignes sélectionnent des collections astucieuses, stylées et multi-usages, répondant à la demande croissante de vêtements pratiques… sans compromis sur l’allure. Un positionnement porteur pour les marques de swimwear premium, de resortwear élégant, mais aussi de lingerie discrète et technique, parfaite sous des robes d’été.
Une opportunité de diversification
Le travelwear n'est plus une simple niche saisonnière. Il incarne aujourd’hui une vision complète du vêtement : modulaire, intelligent, esthétique, éthique. Ce vestiaire en mouvement répond aux attentes d’un consommateur exigeant, mobile, en quête de confort sans concession sur le style. De la cabine de croisière aux pistes d’aéroport, du ponton au rooftop, le vêtement de voyage devient un levier de différenciation stratégique pour les marques balnéaires, de lingerie et de prêt-à-porter.
L’explosion des croisières, l’essor du « workation », l’influence des destinations exotiques sur les imaginaires mode, mais aussi les avancées textiles en matière de performance et d’écoresponsabilité façonnent un segment en pleine expansion. À l’heure où les frontières entre catégories s’effacent, le travelwear impose ses codes et s’invite dans toutes les collections : capsules bord de mer, ensembles resortwear, dessous seconde peau ou maillots intelligents.
Pour les professionnels de la mode, c’est une invitation à repenser la garde-robe contemporaine comme un espace de transition - entre confort et sophistication, entre mouvement et désir, entre fonction et narration. Car au fond, bien plus qu’un simple marché, le travelwear est un terrain d’expression, une scène où se joue le style global de demain.
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